Les fouilles de Lisle

Présentation

Depuis 2016, une fouille programmée s’effectue à Lisle, dans le Loir-et-Cher. Cette commune est située sur la rive nord du Loir, entre Vendôme et Châteaudun. La vallée du Loir est un lieu riche en mobilier archéologique. Plusieurs sites sont connus depuis la fin du XIXe siècle grâce à des ramassages de surface. Le site de Lisle « Les Sablons » a été identifié dès cette époque par les premiers archéologues.

L’opération de Lisle fait suite à la fouille de Pezou « La Chenevière-Dieu », situé également dans la vallée du Loir. Une fouille est conduite sous la direction de J. Despriée à la fin des années 60. Deux fosses d’extraction de silex, comblées par des milliers de déchets de taille, ont été exhumées sur une trentaine de mètres carrés. L’étude de la collection, initiée par J. Despriée, est entreprise par Harold Lethrosne au début des années 2010.

Situation et études du site

Le site archéologique de Lisle « Les Sablons » est donc le second site d’extraction à être fouillé. Il se situe sur un coteau dominant la vallée du Loir. Le projet de fouille est construit par rapport aux découvertes de Pezou. On cherche à mieux comprendre les sites d’extraction et de taille en silex.

Dès le début du chantier, une étude géoarchéologique est réalisée par Clément Recq afin de déterminer le niveau de conservation du site et sa stratigraphie. Une coupe de référence a été mise en place dans le sens de la pente. Elle permet de comprendre les processus d’érosions liés à l’implantation du site sur le coteau. Cette coupe met en évidence différents niveaux de colluvionnements post-dépositionels déposés après l’abandon du site. Par effet de gravité, le niveau de sol néolithique a été érodé puis recouvert progressivement par des colluvions provenant du sommet du plateau. À l’écart du site, un sondage a été réalisé pour connaître la nature des différentes strates géologiques depuis le sol actuel jusqu’à la craie. Il traverse plusieurs niveaux d’argile dans lesquels se trouvent deux niveaux successifs de silex.

Sondage sur Lisle Les Sablons
Sondage profond permettant de visualiser la succession des couches géologiques depuis le sol actuel jusqu’à l’apparition du niveau de la craie en passant par différentes couches d’argile et de silex.

Une autre étude, pétroarchéologique, est menée par Vincent Delvigne dans le but de caractériser ces deux niveaux de silex. Celui trouvé en majeure partie sur le site, et exploité par les hommes du Néolithique, est gris avec de très nombreuses inclusions microfossiles ; il s’agit du niveau le plus profond, de meilleure qualité. L’étude a permis de montrer que les niveaux de silex se sont formés au Campanien (Crétacé Supérieur, il y a environ 86 millions d’années).
Cette étude permet d’associer les recherches sur Lisle à un autre programme de recherche régional sur la caractérisation et la répartition des ressources en silex, le PCR (Projet de Recherche Collectif), intitulé Réseau de Lithothèques en région Centre-Val-de-Loire. Il est coordonné par Vincent Delvigne.

Fouilles et interprétations

Les fouilles sont menées par Harold Lethrosne, coordinateur du projet. Il est secondé par Olivia Dupart, la responsable de secteur. Tous deux sont archéologues dans le domaine préventif (fouilles de sauvetage) et spécialistes de la période Néolithique ainsi que des industries en silex du Bassin parisien.

La première année de chantier, une fenêtre de 75 m² est dégagée sur le site. On découvre des indices de fosses d’extraction de silex, d’un diamètre compris entre 1.20 m et 1.80 m, et comblées par des déchets de taille. Une première fosse est fouillée sur 70 cm. Le matériel mis au jour inclut des éclats et des ébauches en silex (préparations, ratés, rebus de production).

Fosse F10 Lisle Les Sablons
Fosse d’extraction du silex datant du Néolithique. Fouilles 2019

Ce mobilier a permis de comprendre que le site était dédié à la fabrication de haches. Les hommes du Néolithique venaient sur ce lieu afin d’extraire le silex et façonner une hache avant de repartir vers leurs habitations pour les polir.
En effet, aucun signe d’occupation domestique (céramiques, traces d’habitats) ou d’indices témoignant d’activités de polissage n’ont été découverts sur le site. Les finitions des haches se faisaient donc ailleurs, probablement sur des polissoirs fixes, présents dans la région.

Lame de hache de Lisle Les Sablons
Dessin de lame de hache en silex abandonnée en cours de fabrication
Polissoir de haches
Photographie d’un polissoir de haches provenant des alentours de la minière (différentes rainures de polissage sont visibles).

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces informations permettent de démontrer que Lisle « Les Sablons » est une carrière d’extraction du silex associé à un atelier de taille temporaire de façonnage de haches.

La recherche sur Lisle

Outre les deux premières études, réalisées par Clément Recq et Vincent Delvigne, d’autres recherches sont menées sur le site de Lisle.

L’étude technologique des vestiges, menée par Olivia Dupart, va permettre de mieux comprendre la chaîne opératoire de fabrication des haches, du dégrossissage des blocs à la régularisation de l’outil prêt à polir. L’objectif est d’identifier chaque étape nécessaire à sa fabrication et les méthodes et techniques mises en jeu pour y procéder : choix dans la sélection des blocs à tailler, utilisation des outils de percussion, contournement des irrégularités des matières premières, etc. L’ensemble de ces éléments permettent de déterminer des traditions techniques qui peuvent être comparées d’un site à l’autre, et d’évaluer les niveaux de savoir-faire des tailleurs.

Hache en silex Lisle Les Sablons
Hache en silex. L’objet est dégrossi et taillé par des percussions orientées vers l’intérieur

Harold Lethrosne se concentre sur les modalités d’extraction du silex et l’organisation des activités du site dans le temps et l’espace. Grâce aux informations recueillies autour des fosses et à l’examen de la gestion des déchets de taille, il est possible de dégager des renseignements sur le fonctionnement des activités sur le site. Ceux-ci sont comparés aux autres sites de la région afin de remettre Lisle dans son contexte environnemental et, plus généralement, de reconstituer l’organisation du territoire au Néolithique.

Ces études technologiques et archéologiques tendent à recomposer dans l’espace la chaîne de production des haches afin de mieux comprendre la diffusion des objets, depuis les centres de production (mines et ateliers) jusqu’aux sites d’utilisation (habitats ou sépultures), sur le territoire.

Fouiller à Lisle

Le chantier de Lisle « Les Sablons » est subventionné par le SRA (Service Régional de l’Archéologie) et la DRAC Centre-Val-de-Loire (Direction Régionale des Affaires Culturelles). L’autorisation de fouille est délivrée par le SRA à Harold Lethrosne. L’association Archéologie pour Tous aide à la logistique et l’organisation du projet. Le site suit actuellement un programme triannuel débuté en 2019.

Lisle « Les Sablons » accueille des bénévoles (plus de 18 ans), principalement des étudiants en archéologie, pour ses fouilles estivales. Au cours des deux semaines de campagne, les participants seront formés à la fouille archéologique : fouille manuelle, utilisation d’un tachéomètre laser et découverte de la technologie lithique.

Fouilles_Lisle_Les_Sablons
Photographie de l’emprise de fouille (état en cours 2018)

Ceux qui le souhaitent pourront aussi participer à la post-fouille. Elle comprend : le lavage, le marquage, l’enregistrement et l’étude du mobilier découvert ; le traitement de la documentation de fouille, etc. La post-fouille est un préalable indispensable à la rédaction du rapport d’opération. Ce dernier est réalisé chaque année et délivré au SRA afin de tenir compte de l’avancée du projet.

Si vous souhaitez rejoindre l’équipe, déposez votre candidature en suivant le lien ci-dessous.
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Glossaire

Coteau : espace en pente de faible amplitude situé sur une petite colline ou le rebord d’un plateau.

Géoarchéologie : discipline qui cherche à comprendre le processus de formation et d’altération des sols. Appliquée à l’archéologie, il s’agit de travailler sur l’identification et la conservation des sols encaissants (dans lesquels sont creusés les structures) et des niveaux de recouvrement du site (niveaux d’abandon). Les dimensions sont multiples et dépendent des problématiques d’étude.

Colluvionnement : juxtaposition de plusieurs niveaux de colluvions.

Colluvions : dépôts de sédiments meubles sur le bas d’un versant en pente.

Pétroarchéologie : discipline qui vise à étudier la composition des roches. Appliquée à l’archéologie, elle sert à identifier et à caractériser les matières premières utilisées pour la production d’outils.

Microfossiles : organismes fossilisés de petite taille uniquement observable au microscope électronique.

Campanien : étage stratigraphique du Crétacé.

Crétacé : période géologique de la fin de l’ère secondaire.

Tachéomètre : appareil permettant de mesurer la distance et l’angle entre deux points.